Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la gendarmerie et le parquet on alla relever le cadavre du braconnier.

La bossue, bien stylée par son beau-père, était partie à sept heures pour la ferme de Pierrelaye, afin de ne point faire soupçonner le roi des braconniers, dont les bras devenaient utiles à l’existence des enfants.

Quand elle arriva, maître Beauvoisin lui demanda aussitôt :

— Eh bien, qu’est donc devenu Giraud ?

— Comment il n’est pas arrivé ?… Mais il est parti de grand matin, car il ne faisait pas jour, afin d’être là pour soigner ses poulains.

— Ma fille, je n’ai vu personne.

— Pour sûr qu’il lui est arrivé quelque chose.

Et elle était repartie aussitôt pour Grosley afin de s’informer, disait-elle.

— Le gâs se sera fait pincer dans la forêt, murmura Beauvoisin. Enfin ça le regarde.

Vers le soir elle était revenue pleurant toutes les larmes de son corps difforme. Enfin, elle était heureuse de pouvoir exhaler sa douleur, son immense douleur.

Il lui avait fallu une force d’esprit considérable pour la cacher à tous jusqu’à la découverte officielle du corps.

— Ma pauvre Estelle, dit la fermière, il fallait que ça arrive tôt ou tard. Il était ben trop passionné pour l’affût.

— Qui que tu veux, ma fille, faut bien supporter ce qu’on ne peut empêcher.

Les oraisons funèbres et les consolations sont d’une grande simplicité à la campagne.

La bossue, après l’annonce de la fatale nouvelle, était retournée près de son beau-père chez lequel on avait rapporté le corps après les constatations légales.

Puis, une fois la cérémonie funèbre terminée, elle avait réintégré la ferme, laissant les enfants chez leurs grands-parents.

Elle reprit son service, comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé.

Seulement sa joie avait disparu, mais son activité était doublée. Il fallait bien tuer le chagrin par le travail.