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dernier. Il braconne parce que ses pères ont braconné, parce que, ainsi que disait l’un d’eux, c’est dans le sang.

D’ailleurs l’homme primitif n’était qu’un braconnier. C’est la naissance des sociétés qui a créé des règles inconnues à l’origine. La propriété n’existait pas en dehors de ce que chaque être vivant s’emparait pour vivre, et le vol consistait à lui enlever ce que son intelligence ou son instinct lui avait fait découvrir.

Le vol, si on se reporte aux premiers âges, peut être défini par cet exemple :

« Un chien trouve et ronge un os. Un autre chien survient et le lui enlève. Voilà le vol. »

Sans travail, sans aucune peine autre que celle de le prendre, ce quadrupède fainéant s’est emparé de ce qu’un confrère avait conquis par la seule raison du plus fort.

Or les faibles, qui sont les plus nombreux, s’unirent pour triompher de l’exception en qui réside la force supérieure à chaque isolé.

Mais le braconnage, c’était jadis la lutte pour l’existence, c’était la lutte d’une espèce contre plusieurs autres créées pour la nourrir, comme elles nourrissent le loup, le renard et dans d’autres contrées les lions et les panthères.

On a détruit les loups, les renards, les lions, les panthères et tous les carnassiers. On a domestiqué le chien. Mais, si l’homme voulait détruire entièrement le braconnage, il lui faudrait anéantir sa race. En effet, pourquoi les uns auraient-ils le droit de chasser et les autres point ?

Est-ce que les populations maritimes ne vivent pas de la mer ? Pourquoi celles qui avoisinent les forêts ne vivraient-elles pas d’elles ?

Pourquoi, parce qu’il est des règles modernes ou anciennes édictées par les sociétés. Sans doute elles ont raison dans l’état actuel de choses où la réglementation à outrance est, paraît-il, de toute nécessité, bien que les cerfs et les biches, s’ils ne servent pas à l’alimentation, ne semblent pas avoir plus d’utilité que les loups et les renards.

Mais ce que les sociétés n’ont pu détruire, ce sont les instincts primordiaux qui poussent impérieusement l’homme à chasser ici et là-bas à pêcher. Elles sont en lutte cons-