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vidualités bruyantes ou des théories qui ne font pas avancer d’un pas la question sociale.

La Libre-Pensée, un beau titre, devrait être l’asile de tous ceux qui ne sont inféodés à aucune coterie.

Pourquoi demander à ses adeptes une profession de foi d’athéisme ? Pourquoi leur imposer un baptême civil ? N’est-ce point fonder une religion nouvelle à côté des anciennes ?

Et qu’est-ce qu’une libre pensée qui n’est plus libre ?

Dans les croyances antiques ou plus récentes érigées en système, on dit à l’homme :

— Tu vivras de l’infini des cieux.

Vraiment c’est trop peu, quand on possède un estomac.

L’Athéisme, lui, ne lui offre que de la boue, de la terre par les temps secs.

Il lui dit :

— Quand tu mourras, tu retourneras à la terre d’où tu es sorti.

Sale perspective pour ceux qui ont souffert continuellement pendant leur existence. Après tout l’infini était plus bleu.

Or la boue et la terre ne nourrissent pas plus que l’éther azural.

Et puis les esprits faibles ou mauvais concluent de ce système qu’ils doivent jouir de l’existence par tous les moyens en leur puissance. Et la fraternité s’évade de leur conscience. Le néant devient une idole.

— Puisque je ne mange pas à ma faim, que l’univers disparaisse ! Et les maisons sautent, emportant dans leurs débris des existences humaines. De la Libre-Pensée actuelle à l’Anarchie, qui est la désespérance totale, il n’y a qu’un pas.

Ah ! la Libre-Pensée, quel beau titre d’une société humanitaire d’où toutes les discussions religieuses seraient bannies, au sein de laquelle on ne s’occuperait que d’organiser le travail nécessaire à la vie de l’individualité et des agglomérations, société dans laquelle on ne combattrait les systèmes politiques et les religions que pour leur acharnement despotique, société qui ne dirait à personne : « Crois-tu à Dieu, crois-tu au diable ? mais bien : crois-tu à la possibilité d’assurer, par des