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La lune, majestueusement majeure, élevait lentement sa face ronde sur l’horizon.

Et la nature encombrée par l’homme reprenait sa souveraineté dans l’ombre blafarde d’une nuit lunaire.

Beauvoisin fut un homme content de son sort, quand il aperçut, le 2 avril, de grand matin, un ciel sans nuages sur lequel un soleil radieux allait faire une apparition flamboyante. Ce jour était en effet celui fixé pour le mariage de sa fille et le beau temps est indispensable aux noces de campagne qui n’ont point, comme dans les villes, des landaus ou des calèches pour transporter la petite foule des invités.

La nuit avait été un peu fraîche, mais il n’existait sur les luzernes et les sainfoins qui songeaient à pousser, aucune trace de gelée blanche. La pluie n’était donc point à redouter.

Une aurore rose occupait l’Orient ; rougissant de plus en plus, elle précédait et annonçait l’entrée en scène de l’astre du jour.

Et le fermier exultant, heureux qu’il était de voir le ciel gai comme lui, réveillait son personnel reposant dans des lits de bois suspendus aux plafonds des écuries.

— Hé ! les gâs, debout. Faudrait enlever l’ouvrage de bonne heure pour se donner ensuite un brin de réjouissance.

Tous furent bientôt sur pied. Les servantes, qui logeaient à la maison, sortaient déjà se dirigeant du côté des étables à vaches, leurs vases de fer-blanc à la main, destinés à contenir le lait.

Le vieux bouvier Lucas, qu’on appelait simplement le père Mathieu, qui était son prénom, tentait d’accélérer encore leur activité.

— Voyons, les filles, j’allons-t-i’être obligé ed vous pincer les miollets pour vous réveiller itou. Y a un bout de chemin pour les conduire à la luzerne du fond et j’voudrions pas manquer le départ de la mariée.

— Dites donc, père Mathieu, s’écria une grosse rousse aux couleurs éclatantes, si v’s êtes pressé, partez devant.