Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/106

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— Je te donnerai trente sous, dit le comte Henri.

Le gamin s’arrêta et jeta son fagot contre un arbre. Mais, au lieu de venir au-devant de Jacomet et des deux jeunes gens, il demeura planté sur ses deux pieds, sa casquette de peau de renard sur la tête.

— C’est Bouquin, le fils à Brulé, dit Jacomet avec dédain. Ça ne le dérangera pas de beaucoup, ce garnement-là, de vous conduire chez lui… puisque c’est son chemin.

Bouquin entendit et répliqua d’un ton moqueur :

— Est-ce que vous savez si je vas chez nous ?… J’ai des collets à tendre, moi… J’en ai plein mon fagot.

— Ah ! petit drôle, dit le comte Henri, — que nous appellerons désormais M. de Vernières, ou simplement Henri, — tu oses avouer que tu tends des collets ?

— Et pourquoi donc pas ? Est-ce que le gibier n’est pas à tout le monde ?

— Mais non… il est à ceux qui le nourrissent.

— Eh bien ! mon père est fermier.

— Mais le droit de chasse est au propriétaire, ajouta le capitaine.

Le gamin le regarda de travers.

— Est-ce que ça vous regarde, vous ! fit-il. Tiens ! c’est un officier… un gendarme, quasiment…

Et l’enfant se mit à rire d’une façon indécente, tandis que le capitaine demeurait abasourdi de tant d’audace.

— Ah ! monsieur, dit Jacomet, vous n’avez rien vu encore. Ce gringalet-là, c’est gros comme deux liards de beurre, mais c’est plus méchant que trois jacobins réunis. Ça ne croit à rien, ni au bon Dieu, ni au diable…