Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/108

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Et il rejoignit le capitaine Victor Bernier, qui avait fait quelques pas en avant, — tandis que Jacomet s’en retournait pensif et prenait le chemin de sa cabane.

Les quelques mots échappés au fils du bonhomme Brulé le peignent tout entier au moral.

C’était un garnement sans foi ni loi, d’une audace inouïe, d’une effronterie sans bornes, un malfaiteur de quinze ans qui ne demandait qu’à grandir.

Au physique, il était petit, mal bâti, un petit peu boiteux, un peu bossu, le visage couturé par la petite vérole et éclairé par deux petits yeux dont l’un était jaune et l’autre noir.

On l’appelait indifféremment le Véron ou le Bouquin.

Le premier sobriquet est aisé, à comprendre, l’épithète de véron s’appliquant à tout homme ou à tout animal dont les yeux sont dissemblables.

Le second, qui était le plus fréquemment employé, provenait de la maigreur extrême et presque cadavérique du gamin. En vain mangeait-il et buvait-il comme un garçon de ferme de cinq pieds huit pouces, il ne pouvait pas engraisser. Son nez crochu et son menton de galoche se touchaient ; ses mains larges et difformes produisaient, en se heurtant, le bruit d’ossements dépouillés.

Or, en terme cynégétique, on appelle bouquin, le lièvre mâle ; à certaines époques de l’année le lièvre mâle devient d’une maigreur effrayante.

Une chevelure jaune, en broussailles et crépue comme la laine d’un nègre, couvrait son front bas et fuyant et cachait à moitié ses vilains yeux.

À l’école où on l’avait envoyé pendant deux ans, le Bou-