Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/109

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quin avait crevé un œil à un de ses camarades, enfoncé un canif dans la cuisse du maître, et mis le feu à la maison un soir.

Le père Brulé, qui jouissait d’une excellente réputation, avait, à prix d’argent, c’est-à-dire avec un sac de blé et deux sacs de pommes de terre, étouffé cette affaire fâcheuse.

De retour à la ferme, le Bouquin, rudement battu par son père, n’en avait pas moins recommencé ses charmantes espiègleries.

Un jour, on jetait sur du blé de semailles du vitriol destiné à le garantir des rats, le Bouquin avisa une servante de la ferme qui était jeune et jolie, et il lui dit :

— Pourquoi donc que tu as la peau fine comme du beurre, toi qui n’es que la servante, puisque je suis grêlé comme une écumoire, moi qui suis le maître ?

Et il lui jeta du vitriol au visage.

La pauvre enfant, horriblement défigurée, alla se plaindre à son père qui était un journalier besoigneux. Avec trois autres sacs de pommes de terre le bonhomme Brulé arrangea encore cette affaire.

Un jour, le brigadier de la gendarmerie prit le fermier à part :

— Vous devriez faire attention à votre fils, lui dit-il, vous verrez qu’il finira mal….

— Bah ! dit le père Brulé, c’est de la gourme, tout çà ! il se rangera un jour ou l’autre.

Devant le monde, le fermier se montrait sévère pour son fils ; mais, en tête à tête, il le traitait comme un enfant gâté.