Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Brulé avait trois enfants, — deux fils et une fille.

L’aîné était un robuste paysan, conduisant la charrue, menant les bestiaux au marché, dirigeant les valets de ferme, les pâtres et le dindonnier.

On le nommait Sulpice.

C’était un bravé garçon, ne fréquentant point les cabarets, dur à l’ouvrage, rond et honnête dans ses transactions.

Le second était Bouquin, que nous connaissons à présent.

Sulpice était le fils de prédilection de la mère Brulé, — une bonne femme qui avait enduré bien des misères secrètes et dévoré bien des larmes.

Entre la naissance de Sulpice et celle de Bouquin, avait eu lieu la naissance d’une fille du nom de Lucrèce.

À quinze ans, elle était la plus jolie fille des environs ; à seize, elle fut demandée en mariage par un riche fermier qu’elle refusa ; à dix-sept ans, elle disparut. Qu’était-elle devenue ? Ce fut toujours un mystère.

D’abord on crut qu’elle s’était noyée, puis on prétendit qu’elle avait suivi un bel étranger, qui passa un soir par la ferme et y reçut l’hospitalité.

On alla même jusqu’à dire, mais tout bas, que Lucrèce s’était éprise d’un propriétaire des environs et que, désespérant de s’en faire aimer, elle avait quitté le pays.

Toujours est-il qu’il y avait trois ans passés que Lucrèce avait disparu… et jamais, ni à la ferme, ni au village, on n’avait eu de ses nouvelles.

Le père Brulé devenait farouche lorsqu’on prononçait son nom devant lui.