Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/11

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plissait peu à peu. Jamais, peut-être, la jeune fille n’avait eu le rire plus franc et plus joyeux, la démarche plus pimpante.

Un poing sur la hanche, elle répondait aux agaceries de l’un et de l’autre par des mots à demi-dédaigneux, jamais blessants.

Un mirliflor, appuyé nonchalamment sur son pouvoir exécutif, ainsi nommait-on la canne à la mode, lui prit un bouquet de violettes d’un sou en échange d’un écu de six livres et lui dit :

— Sais-tu, petite, que tu as tort de venir ici ce soir.

— Pourquoi cela, citoyen ? demanda-t-elle en souriant.

— Parce que tu seras beaucoup mieux à Grosbois, chez le citoyen Barras, qui donne une fête splendide.

— Y vendrais-je mes bouquets plus cher qu’ici.

— Non, dit le muscadin, mais on y verrait tes beaux yeux, tes lèvres charmantes, tes cheveux…

— Je sais le reste, dit Marion.

Et elle s’approcha, laissant le mirliflor un peu confus, d’un couple qui allait franchir le seuil des jardins enchantés.

— Mon dernier bouquet, citoyens, mes dernières fleurs, madame, les plus belles, voyez ! voyez…

Le couple allait s’arrêter sans doute, mais soudain Marion étouffa un petit cri, recula de quelques pas, et, toute émue, toute pâle, ne songea plus à vendre son dernier bouquet.

Au milieu d’une foule de jeunes gens et de femmes à la mode qui se pressaient à la porte et se hâtaient de prendre