Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/129

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belle bête, allez ! et qui vous fera un tapis un peu soigné ; regardez plutôt.

Sulpice entrait en ce moment, portant l’animal sur ses épaules.

C’était un loup de la plus grande taille, au poil zébré de fauve et de noir, avec l’extrémité des oreilles et la queue d’un pelage gris-cendré.

— Oh ! la belle bête ! dit le comte, lorsque Sulpice l’eut étendu sur le sol de la cuisine.

— Et il n’est pas gâté, dit le fermier, votre balle est entrée au défaut de l’épaule, la peau est intacte… et nous sommes en hiver… le moment où les peaux sont bonnes…

Le capitaine, tandis que Brulé parlait, l’examinait avec attention.

— C’est singulier, pensait-il, cet homme n’a pas du tout la physionomie d’un scélérat.

Henri se prit à sourire.

— Dites donc, père Brulé, dit-il, savez-vous que votre gringalet de fils n’a pas les mêmes idées que vous touchant le bien d’autrui ? Il a prétendu tout à l’heure que, s’il était à votre place, il ne rendrait pas le loup.

Le père Brulé haussa les épaules.

— Vous l’avez donc rencontré, ce petit bandit ?… demanda-t-il avec tristesse.

— Il y a une demi-heure… il nous a montré le chemin de la ferme. Et puis, il nous a quittés au bord du bois et a eu l’effronterie de nous dire qu’il allait tendre des collets…

— Le petit misérable ! Ah ! monsieur le comte, soupira Brulé, cet enfant fait notre désespoir, à sa mère et à moi.