Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces trois hommes avaient le visage barbouillé de suie, ce qui les rendait méconnaissables, et leurs habits étaient ceux des paysans de la contrée, le bourgeron bleu, la casquette de peau de renard ou de chèvre, et le pantalon de cadis roux.

Un fusil était posé à terre auprès de chacun d’eux. Un peu avant l’arrivée inattendue du Bouquin, celui qui paraissait être le chef disait :

— Il faut nous tenir tranquilles pendant un bout de temps ; le gouvernement se donne du mal pour nous pincer.

— Est-ce que vous avez peur, père Tison ? demanda le second.

— Peur ? Oh ! non… Et puis, on nous paie si bien pour faire le métier, sans compter les aubaines du brûlage, que nous aurions mauvaise grâce à bouder l’ouvrage ; mais, faut être prudent, mes enfants… c’est essentiel… je sais bien, aussi vrai que Tison est mon nom de guerre, le nom des amis, que ma réputation est bonne… et que ce n’est pas à moi qu’on songera… Mais enfin, il ne faut qu’un moment… et vous savez, nous serions gerbés roide, ce qui veut dire guillotinés.

— Dieu merci ! nous n’y sommes pas encore.

— J’ai mes instructions nouvelles… D’abord on m’avait dit de respecter les vieux nobles.

— Oh ! dit le troisième visage noirci, silencieux jusque-là, nous avons fait la chose en conscience. Jusqu’à présent on n’a brûlé que les bourgeois, les parvenus.

— Eh bien ! voici qu’il paraît, reprit celui qui s’était donné le nom de Tison, voici qu’il paraît qu’on s’en est