Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/15

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l’un des laquais pendus aux étrivières, la prit sous le bras, l’enleva par la taille et la posa dans la berline à côté de madame Tallien.

En même temps les postillons firent claquer leurs fouets, les chevaux impatients piétinaient, et la foule s’écartant, laissa disparaître comme un rêve cette voiture où se trouvaient deux femmes dont chacun rêvait.

Les chevaux prirent le galop ; Marion, tout étourdie, regarda madame Tallien. Madame Tallien souriait.

— Ainsi donc, dit-elle, c’est vous qui êtes Marion ?

— Oui, madame.

— Et vous savez où nous allons ?

— Non, madame.

Et Marion ajouta avec mélancolie :

— On m’a ordonné, j’ai obéi ; mais je ne sais où vous me conduisez, ni ce que vous attendez de moi, madame ?

— Mon enfant, répondit la belle maîtresse du citoyen Barras, nous allons à Grosbois.

— Ah ! fit Marion, on m’a dit tout à l’heure que je trouverais à y vendre mes bouquets bien cher… mais je n’ai plus de bouquets.

— Excepté celui-là, répondit madame Tallien, qui porta le dernier bouquet de Marion à ses narines et en aspira le parfum. Et celui-là, vous le vendrez plus cher à lui seul, que tous les autres.

— Vraiment ? fit la bouquetière avec indifférence.

— Oui, mon enfant. Mais, dites-moi, connaissez-vous le citoyen Cadenet ?

Ce nom fit tressaillir Marion, qui pâlit.

— Si je le connais ! dit-elle. Oh ! certes.