Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/165

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La Révolution l’avait respecté, — bien que le marquis de Vernières, son possesseur alors, eût émigré et passé à l’armée de Condé.

Pendant les plus mauvais jours de 93, une bande d’Auxerrois s’était présentée un jour pour raser le château et y mettre le feu ; mais un ange l’avait protégé.

Cet ange, c’était une jeune fille, une orpheline de dix-neuf ans, mademoiselle Hélène de Vernières, qui était demeurée aux Saulayes sous la garde de Dieu et d’une vieille gouvernante.

Les carmagnoles et les bonnets rouges avaient reculé devant le regard et le front pur de la jeune fille.

Ils s’étaient retirés sans causer aucun dégât ; et, depuis lors, le château avait été respecté.

Or, maintenant, l’ange protecteur des Saulayes, mademoiselle de Vernières, avait changé son nom. Elle s’appelait madame Solérol et elle était la femme du chef de brigade de ce nom.

Ce mariage, accompli depuis bientôt trois ans, avait jeté le pays tout entier dans un étonnement voisin de la stupeur.

Henri de Vernières et mademoiselle Hélène étaient cousins-germains, et ils s’aimaient, au su et connu de toute la contrée.

Peut-être même cet amour de la jeune fille, qui était généralement adorée, avait-il sauvegardé Henri des orages révolutionnaires.

On l’avait respecté, lui et sa sœur, dans leur petit manoir des Roches, qui surplombait l’Yonne, à deux lieues du bourg de Châtel-Censoir.