Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/227

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nous ne les écrasons pas tout de suite, feront avorter tous nos plans.

— Que vas-tu donc nous raconter ? demanda Machefer.

— L’histoire de madame de Vernières, de la Lucrétia et du chef de brigade.

— Je t’écoute, dit Machefer.

Cadenet reprit :

— Le sergent Bernier était, au dire de ses camarades de la 23e demi-brigade, un excellent soldat, un bon compagnon, aimant la galanterie et la bouteille.

Il s’était bien battu, à l’ennemi, sous les ordres du général Dumouriez, et lorsqu’il fut appelé à faire partie de l’armée de Paris, c’est-à-dire des quatre ou cinq régiments de troupes régulières que les gens de la Commune et le club des Jacobins voulurent bien tolérer, il ne manqua point de dire tout haut que, s’il était jamais commandé de service pour entourer la guillotine, il mettrait une balle dans son fusil et tuerait le bourreau.

Avec de telles opinions, le sergent Bernier ne pouvait plaire à ceux de ses chefs qui se montraient d’un civisme exagéré ; mais comme il était un excellent sous-officier, on ne le dénonça point à la vindicte publique, et il continua son service.

Or, un soir d’hiver de l’année 1794, à peu près un an après la mort du roi, le sergent Bernier s’attarda dans un cabaret de la rue André-des-Arts, comme on dit depuis que les saints ont été supprimés.

Les buveurs étaient peu nombreux. Sept ou huit sans-culottes chantaient la Marseillaise et le président d’un club voisin cuvait son vin sous la table.