Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/241

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Seulement, au bruit que fit la clef dans la serrure, le sergent comprit qu’elle feignait de donner deux tours, alors que, au contraire, elle laissait la porte ouverte.

Le sergent entendit quelques minutes, puis il se décida à sortir de sa cachette et à ôter son bandeau.

L’obscurité régnait dans la chambre, car la Lucrétia avait éteint la chandelle en sortant.

Le sergent jugea inutile de la rallumer. Il se dirigea à tâtons vers la porte, qui n’était fermée qu’au pêne, l’ouvrit et sortit.

Il descendit l’escalier, guidé par la corde qui servait de rampe, et il arriva jusqu’à l’allée sans avoir entendu le moindre bruit.

On eût dit que cette maison était inhabitée.

La porte de l’allée était pareillement ouverte.

Arrivé dans la rue, le sergent regarda à droite et à gauche, ne vit personne, n’entendit ni pas ni voix, et se décida à regagner son quartier, c’est-à-dire sa caserne.

Et tout en s’en allant, il fit la réflexion suivante, qu’il accompagna d’un soupir de philosophique regret.

— Voilà une jolie fille qui s’en va au bras d’un autre, me laissant, moi son protecteur, exposé à toute la haine de ce misérable Solérol, lequel est homme à me traduire en conseil de guerre pour offenses envers un supérieur.

Mais, en ce temps-là, la tête tenait si peu sur les épaules, que la perspective de mourir au premier jour n’empêchait ni de boire, ni de manger, ni de dormir.

Bernier n’avait ni faim, ni soif, mais il se coucha et dormit d’une seule traite jusqu’à l’heure de l’appel.

Ce fut le tambour qui le réveilla.