Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/25

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Grosbois, ce soir-là, ressemblait à un palais des Mille et une Nuits.

Le parc était illuminé à giorno. Une foule élégante, pimpante, affolée de plaisir, une cohue de gaze et de soie encombrait les salons.

Depuis huit heures du soir, la grille de la cour d’honneur n’avait cessé de livrer passage à des voitures, à des carrosses, et même à des modestes fiacres.

Et tous ces véhicules venaient tourner devant le perron et y déposaient les invités aux mille travestissements.

Et cependant, il y avait comme un léger nuage sur tous les fronts ; on se parlait à voix basse, on s’interrogeait du regard. Le citoyen Barras, vêtu d’un brillant habit brodé, portant un chapeau à plumes rouges et blanches, se promenait d’un air soucieux de salle en salle, puis allait sur une terrasse prêter l’oreille aux bruits lointains.

C’est que la reine de la fête n’était point encore arrivée.

Tout à coup on entendit les grelots de la chaise de poste de madame Tallien.

Et, comme aux portes des jardins de Tivoli, il se fit une révolution d’enthousiasme, tous les cœurs battirent, toutes les voix murmurèrent :

— La voilà ! la voilà !

On déserta les salons pour la cour, et lorsque le carrosse de la divine madame Tallien apparut dans la grande avenue du parc, la foule abandonna la cour, comme elle avait abandonné les salons, se précipitant à la rencontre de son idole ; et alors une vingtaine de mirliflors et d’incroyables forcèrent les postillons à dételer leurs chevaux.