Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/263

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— Écoutez, dit-elle, vous m’avez protégée hier… Vous avez l’œil franc et loyal… je vous crois un honnête homme.

— Vous avez raison, dit froidement Bernier.

— Je suis entourée de gens que je ne connais pas, reprit la Lucrétia, quel est leur but, je l’ignore… et j’ai peur… Hier, en vous voyant, il m’a semblé que je trouvais un ami, un protecteur… un homme qui fera la lumière au milieu du chaos de ténèbres où se passe ma vie.

Bernier la considérait avec un étonnement douloureux, car la jeune femme était triste et pâle, et sa poitrine se soulevait avec peine.

Elle continua :

— Je suis une pauvre fille de la campagne. Un amour sans espoir m’a amenée à Paris.

— Vous êtes pourtant bien belle, observa Bernier, pour que l’amour dont vous parlez soit dépourvu d’espérance ?

— Cela est cependant, murmura-t-elle, en laissant perler une larme au bord de ses cils noirs.

J’ai aimé, j’aime encore ardemment un homme qui n’a jamais songé à moi, un ci-devant, un noble, le comte Henri Jutault de Vernières.

Machefer interrompit Cadenet par un geste et une exclamation de surprise.

— Attends, reprit Cadenet.

La Lucrétia poursuivit :

Je suis la fille d’un fermier : M. de Vernières est comte.

— Bah ! fit Bernier, depuis un an, il n’y a plus de nobles, et tous les Français sont égaux.