Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/264

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— Pas dans notre pays, répondit la Lucrétia. Et puis, quand je suis venue à Paris, on n’avait pas encore guillotiné le roi.

Un jour, j’appris que M. de Vernières devait épouser sa cousine. Alors le désespoir s’empara de moi… je quittai le pays. Où allais-je, je ne le savais pas… Je m’en allai par les chemins, toujours droit devant moi, mendiant mon pain, et, au bout de dix jours de route, j’arrivai aux portes d’une grande ville.

C’était Paris.

Un homme me recueillit mourante sur une borne où je m’étais appuyée. Cet homme se nommait le marquis Jutault, et il était cousin-germain de M. de Vernières, l’homme que j’aimais.

Je l’avais vu souvent au pays, et il me reconnut.

Il habitait Paris, bien que l’orage commençât à gronder contre les nobles, et qu’il eût été garde-du-corps. Il me recueillit chez lui d’abord ; puis le lendemain, il m’installa dans cette chambre où je vous ai conduit la nuit dernière.

Il me trouvait belle, il essaya de me séduire, mais j’aimais ailleurs, et je fus sourde à son amour. Depuis lors, son amour pour moi est allé grandissant, et toujours je lui ai résisté.

— Mais alors, dit Bernier, pourquoi passez-vous pour sa maîtresse.

— Un jour, il est venu me trouver dans ma mansarde. Je gagnais ma vie avec mon aiguille, et je ne voulais rien accepter de lui.

» — Lucrèce, me dit-il, aimez-vous toujours Henri ?