Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/272

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La vue du sang dégrisa le capitaine. Il s’en alla sans essayer d’user de son triomphe.

Le marquis Jutault ne revint qu’au bout de huit jours. Il était venu en Bourgogne réunir quelque argent pour donner suite aux projets de conspiration qu’il avait en tête.

Pendant ces huit jours, Marion et la Lucrétia veillèrent, attentives, anxieuses, désolées, au chevet du blessé.

Le sergent devait mourir vingt fois ; il vécut ; ce que la passion du marquis et celle de Solérol pour la Lucrétia n’avaient pu faire, le hasard le fit.

Par amour pour Henri, la jeune fille s’était faite l’esclave de ces deux hommes ; elle songea à se révolter, car son cœur éprouva une violente révolution, et son amour subit une étrange métamorphose.

Elle oublia Henri, elle aima le sergent.

— Cela devait être, observa Cadenet.

Mais l’amour de la Lucrétia pour Bernier resta secret.

Longtemps le sergent demeura caché dans la chambre de la jeune femme sans que le marquis Jutault qui, cependant, venait tous les jours, devinât sa présence.

Mais, un soir, la Lucrétia disparut.

Elle était sortie pour une heure ; elle ne rentra pas.

Marion et Bernier l’attendirent toute la nuit ; le lendemain, le marquis fut averti de la disparition de la Lucrétia.

Il crut à un abandon ; la visite du capitaine Solérol le détrompa. La Lucrétia, dénoncée pour incivisme, avait été arrêtée et conduite à la Conciergerie.

Le marquis Jutault et Solérol causaient dans une chambre voisine de celle où était Bernier.

Une porte entr’ouverte lui permit de tout entendre.