— En effet, j’ai envoyé des cartes à tous. Mais pourquoi me demandez-vous cela ?
— Parce que j’ai trois amis qui désirent voir votre fête, et que vous n’avez pas invités.
Barras porta la main de madame Tallien à ses lèvres :
— Votre nom n’ouvre-t-il pas toutes les portes ? dit-il.
— Sans doute… mais encore faut-il donner des ordres, mon cher directeur.
Elle lui sourit comme la femme qui connaît l’empire de ses charmes ; mais Barras préoccupé, regardait toujours Marion ; Marion avait fait sur lui une impression étrange, et le jetait brusquement dans une sorte de torpeur morale.
— Eh bien ! dit-il cependant, donnez-moi le nom de vos amis, madame, et je vais ordonner…
— Leur nom ? fit madame Tallien, qui tressaillit.
— Sans doute.
Marion pâlit et eut un mouvement convulsif.
Mais madame Tallien continua à sourire et répondit :
— Non, mon cher directeur, cela n’est pas possible ; mes amis seront costumés et masqués ; ils veulent garder l’incognito.
Barras fronça le sourcil.
— Sont-ce bien vos amis ? dit-il.
— Mais… sans doute…
— Vous m’en répondez ?
Cette question fit, à son tour, tressaillir madame Tallien.
— Comme vous me dites cela ! murmura-t-elle.
— C’est que, répondit Barras, j’ai reçu ce matin même un billet anonyme.
— Et… ce billet ?