Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/32

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— Monsieur, dit Barras avec humeur, nous ne sommes plus au temps de la Terreur, et je trouve votre travestissement d’assez mauvais goût.

— Citoyen directeur, répondit Cadenet, je désirerais fort, avant de répondre, que vous prissiez le temps de tout voir en détail.

Et il lui montra complaisamment ses bras, ses cuisses et ses épaules, tout cela pareillement tatoué.

On y voyait tour à tour la tête de Robespierre et le buste de Marat, le bonnet phrygien et la carmagnole, et le fameux niveau dont le couteau de la guillotine avait emprunté la forme.

Chaque figure, chaque instrument, chaque emblème, avaient leur nom inscrit au-dessous.

— Maintenant, citoyen directeur, reprit Cadenet, je vais répondre à votre reproche.

Madame Tallien était un peu émue ; Marion était pâle.

Quant à Barras, il avait passé la main dans son gilet et pris une attitude presque menaçante.

— Mon cher directeur, reprit Cadenet, je sais pourquoi vous froncez le sourcil ; avouez que vous me prenez pour un assassin ?

— Monsieur !

— Cependant, voyez, mon maillot est si étroit qu’il me serait impossible d’y cacher le moindre stylet, et je n’ai aucun pistolet dans la main. Donc, rassurez-vous ; la seule arme dont je dispose et dont je me sois armé contre vous est une divinité aussi nue que moi, qui s’appelle la Vérité.

— Ah ! vous voulez me dire la vérité ? fit Barras avec ironie.