Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/40

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— Le marquis de Cadenet !

Et Dufour recula, les cheveux hérissés.

Alors Cadenet regarda Barras et lui dit froidement :

— Vous voyez bien que les morts reviennent.

IV

Barras sentit quelques gouttes de sueur perler à son front.

C’était un fort bel homme que l’ex-comte de Barras, ancien capitaine de cavalerie dans l’armée française des Indes, ancien gentilhomme de vieille roche, ex-député du Var à la Convention nationale, et, pour le moment, premier directeur, c’est-à-dire à peu près roi.

Il était de haute taille, avait les cheveux noirs, le front découvert, l’œil intelligent et un peu mélancolique, les lèvres charnues et sensuelles et de belles dents blanches et bien rangées.

Il avait quarante-six ans ; mais, en dépit de sa vie politique agitée et de son existence privée saturée de plaisirs, il était loin de paraître cet âge.

Du reste, il semblait négliger maintenant les intrigues d’amour pour les intrigues politiques, et l’on prétendait tout bas que le farouche conventionnel, revenant aux idées de son enfance, aux idoles de sa jeunesse, rêvait le rôle du général Monck, le restaurateur de Charles II d’Angleterre.

Toujours est-il que le citoyen Barras avait restauré le plaisir, et Paris lui en tenait compte.