Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/41

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On dansait chez lui avec frénésie ; — on le saluait dans les rues avec enthousiasme.

Il était l’idole de ce qu’on appelait alors la jeunesse dorée.

Par cela même, il était peu disposé à se voir reprocher le passé, et depuis qu’il était à la tête du Directoire, il s’efforçait par tous les moyens possibles, d’effacer jusqu’au souvenir de cette époque sanglante qu’on a nommée la Terreur.

Aussi, Cadenet lui venant dire qu’il s’était mis en tête de lui parler de vérité, Barras s’était-il montré d’assez mauvaise humeur.

Le citoyen directeur, bien que méridional, n’était point superstitieux, et en voyant Dufour s’écrier que Cadenet était bien le gentilhomme qu’il avait jugé, condamné et fait exécuter, — il se dit tout de suite que l’ex-fournisseur était abusé par quelque étrange ressemblance.

Pourtant, nous l’avons dit, la sueur mouillait ses tempes, et il eut comme un battement de cœur en se retrouvant face à face avec cet homme qui lui voulait dire la vérité.

Mais Cadenet avant sans doute changé d’avis, car il lui dit aussitôt :

— Je désire avoir un petit entretien avec vous, citoyen directeur, mais un peu plus tard…

— Et… quand cela ?…

— Oh ! dans le courant de la nuit… Maintenant, votre fête est à peine commencée… vos devoirs d’amphitryon vous réclament… Moi, je vais faire ma cour aux dames.

— C’est lui ! c’est bien lui ! répétait Dufour avec épouvante.