Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/57

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Barras attacha un regard ardent sur cet homme qui l’avait tutoyé et salué de son titre de comte.

— Machefer ! dit-il.

— Moi-même, mon cher directeur ; je me trompe, je devrais dire mon cher parrain, n’est-ce pas ? c’est toi qui m’as tenu, voici trente-deux ans, tu en avais quatorze, alors, sur les fonts baptismaux de la paroisse de notre pays natal à tous deux.

Nos pères étaient amis. Tu as laissé guillotiner le mien ; je ne jurerais pas même, mon cher comte, que tu n’aies écrit son nom sur une liste de proscription.

— C’est faux ! dit Barras avec énergie.

— Te souviens-tu de ma sœur, comte ?

— Votre… sœur…

— Oui, ma petite sœur Hélène. Tu l’as vue enfant… elle a vingt-cinq ans aujourd’hui… Viens que je te présente à elle…

Et celui qui se nommait Machefer prit à son tour Barras par le bras et l’entraîna vers une autre banquette sur laquelle était une jeune fille dont la beauté merveilleuse était ternie par un regard égaré.

Elle riait d’un rire convulsif et chantait à mi-voix le refrain de la Marseillaise, en agitant sa tête de droite à gauche.

— Elle est folle, dit Machefer.

— Folle ! murmura Barras qui, certes, en ce moment, avait oublié Marion, et sa fête de Grosbois, et sa haute situation de directeur.

— Ah ! dit Cadenet qui l’avait suivi, mademoiselle de Machefer a été bien éprouvée. On l’a conduite à l’échafaud