Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/62

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madame de Valensolles, qui n’avait plus ni mari ni enfants.

Et, malgré la terreur secrète qui l’envahissait, en dépit de l’émotion poignante qui étreignait son âme, le directeur lui prit la main et se laissa conduire, plutôt qu’il ne la conduisit, au milieu de la salle.

— Comte, lui cria Machefer, je vais te faire vis-à-vis. Tu le veux bien, n’est-ce pas ?

Et Machefer alla inviter pour la contredanse sa sœur, c’est-à-dire cette belle et mélancolique personne qui avait aux lèvres le rire de la folie.

L’orchestre grondait, répandant sur le bal des flots d’harmonie.

Barras perdit la tête.

Pendant un quart d’heure, il se crut à une autre époque, il se trouva plus jeune de dix années, il s’imagina que la Révolution, la Terreur, le 9 Thermidor et le Directoire, que tout cela, en un mot, était un rêve.

Barras, dansant avec la marquise de Valensolles, faisant vis-à-vis au baron de Machefer, parmi les représentants de ce qui restait de la vieille noblesse française, Barras se crut un moment à Versailles ou à Trianon, au beau milieu de quelque fête donnée par Marie-Antoinette, la plus belle des reines et la reine des belles.

Et pendant cette contredanse il entendit des mots charmants ; de frais éclats de rire retentirent à ses oreilles ; mille parfums discrets l’envahirent et le pénétrèrent par tous les pores, lui le sensuel et le raffiné qui essayait en vain d’oublier son aristocratique origine.

Et puis, après la contredanse, et sans que l’orchestre