Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/86

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— Tu étais à Grosbois avec Cadenet et Souchet, l’homme au gilet de peau humaine.

— C’est vrai.

— Et tu as enlevé Barras… vous l’avez garrotté, bâillonné… jeté dans une voiture.

— C’est exact, dit Machefer, car c’était lui.

— Qu’en avez-vous fait ? C’est ce qu’il n’a pas voulu me dire ?

— Ah ! tu l’as donc vu ?

— Oui… il rentrait à Grosbois au moment où j’en partais…

Machefer devint sérieux. Il prit dans ses mains les petites mains blanches de mademoiselle Lange et lui dit :

— Écoute-moi bien… Cette nuit même un grand espoir s’est évanoui pour moi.

— Oh ! je devine…

— Peut-être, dit Machefer pensif.

— Oui, reprit mademoiselle Lange, je devine. Vous avez cru, tes amis et toi, que Barras, cet homme de plaisir, ce jacobin demeuré gentilhomme, ce grand seigneur de foire sous le bonnet rouge de qui pointe encore un fleuron de sa couronne comtale, se laisserait toucher par les malheurs de sa caste, envahir par les souvenirs du passé, corrompre par les promesses d’un avenir magnifique.

— Hélas ! soupira Machefer.

— Vous avez tous cru, n’est-ce pas ? poursuivit mademoiselle Lange, que séduit par l’exemple de Monck il voudrait quelque jour rendre la France à ses anciens maîtres ?

— Oui, dit Machefer, nous l’avons cru fermement.