Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/89

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— Écoute, dit-elle, n’as-tu pas vu, au soir du treize vendémiaire, un général de vingt-cinq ans, un jeune homme pâle, aux cheveux longs, à l’œil brillant d’un feu sombre, qui parcourait les rues de ce Paris conquis comme un triomphateur ? Ne l’as-tu pas vu pousser son cheval sur les masses de peuple entassées aux abords de Saint-Roch, et n’as-tu pas vu ces masses reculer frémissantes comme un troupeau d’esclaves à l’approche du maître ?

— Oh ! tais-toi… tais-toi !… dit Machefer ému.

— Eh bien ! acheva mademoiselle Lange, conspirez, soulevez les provinces, arrêtez les voitures publiques, brûlez les édifices, faites tout ce que vous voudrez, cet homme se lèvera et vous rentrerez tous dans le néant.

Machefer eut peur et frissonna.

En ce moment on frappa à la porte de la ruelle.

Cette fois, ce fut Machefer qui alla ouvrir.

Un homme entra et arracha un cri à mademoiselle Lange.

— Vous encore ! dit-elle. Ah ! vous venez me l’enlever ! vous êtes un mauvais génie.

— Je suis l’homme du devoir, répondit le nouveau venu. Allons Machefer, fais tes adieux à madame, tout est prêt et l’heure du départ a sonné.

Mademoiselle Lange tomba défaillante dans les bras de Machefer.

L’homme qui venait de lui apparaître comme le mauvais génie de Machefer, de son Armand bien-aimé, était Souchet, le petit vieillard au gilet de peau humaine !

FIN DU PROLOGUE.