Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, dam ! monsieur, quand on voit la flamme et la fumée, faut bien croire au feu. La ferme de la Fringale a brûlé l’autre semaine.

— C’est sans doute le résultat d’une imprudence. — La meule du père Jacquier, le fermier des oseraies, n’a-t-elle pas brûlé avant-hier ?

— Quelque pâtre qui aura mis le feu en se chauffant.

Le charbonnier secoua la tête.

— Voici trois mois, dit-il, que les incendies se multiplient étrangement. Les meules, les fermes, les bois, tout brûle… Oh ! ils sont une bande, allez !

— Tu crois ?

— Tenez, monsieur Henri, reprit Jacomet, j’ai l’air d’un bandit, moi, parce que je vis dans les bois et que je suis un pauvre homme, et, sinon à vous qui me connaissez, je n’inspire pas grande confiance. Eh bien ! n’importe ! si on voulait se créancer à moi quelque peu… enfin, suffit.

Et le charbonnier se tut, en homme qui craint d’en avoir trop dit.

En ce moment, on frappa à la porte, et Myette alla ouvrir.

Un autre chasseur entra, et, portant la main à son bonnet de police, fit le salut militaire.

Le personnage qui venait d’entrer n’était autre que celui que le comte Henri avait perdu dans les bois.

Il pouvait avoir trente ans. C’était un grand garçon au visage bronzé, à l’œil noir, à l’épaisse moustache taillée en brosse, dont la beauté mâle, un peu sauvage peut-être, contrastait étrangement avec les yeux bleus et les cheveux blonds de son hôte.