Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/15

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M. CAMILLE ROUSSET 3 parvenu à la vraie grandeur, en avait du moins letrompe- ï'œil et le simulacre: ses partisans et ses courtisans pou- vaient dire que, depuis Erfiiiih et Tilsitt, la France et son souverain n'avaient pas eu, dans les conseils de l'Europe, plus de prépondérance et de prestige. Jamais le chrysocale ne ressembla davantage à l'or pur ; jamais le strass ne fit mieux l'effet du diamant. L'Empereur n'avait pas même besoin d'être muet pour paraître ha- bile, et de se poser en sphinx pour se déguiser en oracle. La guerre de Crimée, plus lente, plus orageuse, moins bien menée et mille fois plus meurtrière que la conquête d'Alger, avait profité de l'interrègne parlementaire, du silence de la presse et des bénéfices de la dictature pour absorber l'attention publique, frapper vivement les ima- ginations, idéaliser le type du soldat et rendre à l'élément militaire le premier rôle; tandis que, en 1830, le vertige libéral, l'agitation des esprits, les excitations de la tri- bune et de la presse en étaient arrivés au point de créer, dans le pays le plus guerrier qui soit au monde, un nou- veau genre de patriotisme : l'indifférence à la gloire de nos armes. L'expédition était blâmée, les opérations dé- noncées, les préparatifs critiqués, l'Angleterre invoquée, les périls exagérés. On mettait tant d'ardeur à prédire un revers que la prophétie différait fort peu d'un sou- hait. On redoutait le succès comme le prélude d'un at- tentat à la Charte, et les chefs de notre armée, les ven- geurs de la civilisation chrétienne, les précurseurs de