Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/259

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d’attraper quelque balle retardataire, chercher et recueillir nos blessés. Édouard de Mauléon, un de nos plus jeunes sous-lieutenants, respirait encore. Pierre, qui est un hercule, le prit dans ses bras ; mais, au même instant, Édouard, qui avait la poitrine traversée de part en part, rendit le dernier soupir. C’était un riche fils de famille. Il avait sur lui une montre de prix, une trentaine de louis, une chaîne et un médaillon en or. Pierre me rapporta exactement tout cela, et ne voulut pas entendre parler de récompense : « Ma récompense, me dit-il, ah ! la plus belle de toutes… ce serait si mon général voulait être assez bon pour en écrire un mot à mon évêque ! » Il prononça ces mots : « mon général, » et « mon évêque ! » d’une certaine manière, avec une expression qui m’a ému. L’épreuve me semblait décisive, et, comme mes trois brosseurs avaient été tués l’un après l’autre, j’ai attaché Pierre à mon service. C’était un premier pas : le second ne s’est pas fait attendre, nous avons eu, l’autre jour, une bataille sanglante, une victoire chèrement disputée… Pierre Maurin s’est battu, non seulement en vaillant soldat qui fait son devoir, non seulement en repris de justice qui veut se réhabiliter, mais en désespéré qui cherche la mort… Naturellement, il ne l’a pas trouvée, et il en a été quitte pour une légère blessure, qu’il n’a pas même voulu faire panser. Il y a là un symptôme qui m’alarme pour lui quand je l’observe. À mesure que son esprit se déblaie, sa mémoire