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XXXIV
POSTFACE

maintenues aux Réformations de 1668-1696, la moitié ne s’est rendue à aucune des trente assises, tant ordinaires qu’extraordinaires, tenues depuis 1736. L’abstention ne doit donc pas faire préjuger d’une manière absolue de la qualité d’une famille, car il n’y avait pas peine de radiation, ni de déchéance contre les absents. La présence aux États était un droit pour les gentilshommes et non une obligation. Il faut bien admettre aussi des abstentions forcées, comme la minorité chez les uns, le manque de fortune, l’exercice du commerce ou tout acte de dérogeance chez les autres, l’âge, la difficulté et la lenteur des moyens de transport, et dans beaucoup de cas la profession des armes. Un officier de marine naviguait ; un officier de terre était à la guerre ou en garnison à l’extrémité de la France. Les gentilshommes de la Basse-Bretagne se rendaient rarement aux tenues assignées à Rennes ou à Nantes ; ceux de la Haute-Bretagne étaient au contraire en minorité aux États de Vannes ou de Morlaix. En résumé, les preuves de noblesse tirées de la présence aux États ne peuvent être invoquées par toutes les familles, même d’ancienne extraction, tandis que toutes celles préalablement déboutées et celles d’origine étrangère à la province, dès qu’elles avaient obtenu un arrêt de réhabilitation ou de maintenue au Parlement, s’empressaient d’user de leur droit et de se rendre à ces assemblées.

Les noms, prénoms et évêché de chaque membre étaient inscrits sur les registres du greffe ; mais en donnant ensuite leurs adresses à l’imprimeur des États, quelques gentilshommes faisaient précéder leur nom d’un titre plus ou moins arbitrairement porté. Ces titres ne figurent pas sur les registres originaux et sont même entièrement proscrits de plusieurs listes imprimées, comme ils le sont des listes du Parlement et de la Chambre des Comptes.

L’esprit égalitaire était tel parmi la noblesse, que les gentilshommes ne voulaient admettre entre eux aucune supériorité et ne reconnaissaient en fait de titres que les neuf baronnies dites d’États.

On remarquera aussi l’interdiction, pour les membres du Parlement, de siéger aux États, dont il avait à exécuter ou même à contrôler et suppléer les décisions.

Le Parlement était tout à la fois un corps judiciaire et politique ; à propos de l’enregistrement des édits du Roi, il examinait leur constitutionnalité et prononçait entre les États et le Pouvoir exécutif ; il devait donc n’être engagé ni envers les États ni envers le Pouvoir, pour ne pas avoir à prononcer dans une cause où il aurait été juge et partie. C’est comme attachés au Parlement que les secrétaires du Roi n’entraient pas non plus dans les assemblées d’États, et, dans un ressort moins étendu, puisqu’il se bornait aux matières financières seulement, la Chambre des Comptes avait les mêmes incompatibilités. On voit par là qu’avant 1789 les idées vraiment libérales étaient, à certains égards, plus avancées que de nos jours, où nous avons vu le budget voté par ceux-là même qui y prenaient la plus large part.

Les dernières assises des États ouvertes à Rennes le 29 décembre 1788, furent suspendues par un arrêt du Conseil du 7 janvier 1789, qui les ajournait au 3 février. La noblesse, malgré l’ordre de dissolution auquel le Tiers s’était soumis, continua de siéger aux Cordeliers de Rennes jusqu’au 1er février, nonobstant l’émeute dont le siège de ses délibérations avait été, les jours précédents, le sanglant théâtre.