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XXXV
POSTFACE

Notre relevé s’arrête à la tenue précédente de 1786, car on ne retrouve pas la liste des membres qui prirent part à la dernière représentation solennelle des anciennes franchises bretonnes. Nous disons la dernière, puisque l’ordre du Tiers refusa de s’associer aux délibérations et aux votes des deux autres ordres réunis au mois d’avril suivant à Saint-Brieuc, pour la nomination des députés aux États généraux de France. Le Tiers voulait être convoqué par sénéchaussées, et non en corps d’États conformément à ce qui s’était de tout temps observé, et à ce qui était écrit dans les constitutions de la Bretagne.

La noblesse protesta, appela les anoblis de la province et ceux qui avaient la noblesse transmissible à adhérer à ses protestations, et se sépara le 19 avril, après avoir déclaré que la convocation de deux ordres sans le Tiers étant inconstitutionnelle, il n’y avait pas lieu d’élire des députés aux États généraux. Elle ordonnait en même temps le dépôt, aux archives des États, de ses protestations en faveur des droits, franchises, privilèges, libertés et immunités de la province[1]. On sait que, depuis Louis XIV, les princes les respectaient peu ; mais l’opposition de la noblesse aux édits du Roi qui y portaient atteinte, n’arrêta pas son dévouement à la royauté pour laquelle elle se fit décimer à l’armée des Princes, à l’armée de Condé, dans la Vendée et à Quiberon, et, depuis lors son histoire n’est qu’un glorieux martyrologe.

Aujourd’hui, la noblesse ne conférant plus de privilèges dans l’État, ayant perdu en France son caractère politique et n’y étant acceptée que comme distinction sociale, n’a plus d’autre place que celle que l’opinion veut bien lui accorder ; mais l’opinion est tenue apparemment en grande estime, puisque l’on voit tant de gens, qui ne sont nés ni nobles ni titrés, poursuivre ces distinctions sociales par des usurpations ridicules ou les convoiter comme de désirables récompenses. Ils ignorent complètement que la vraie noblesse ne se donne ni ne s’achète, qu’elle est indépendante des titres, qu’elle leur est antérieure et supérieure[2].

D’ailleurs, qui est-ce qui se préoccupe de nos jours de la légitimité d’un titre ? Cette indiscrète question ferait sourire dans le monde le plus aristocratique où l’on s’informe seulement si quelqu’un prend un titre, et cette facilité à en prendre comme à en donner, réduit singulièrement la valeur de ceux auxquels les familles ont quelque droit de prétendre.

Nous insérons aux pièces justificatives la liste des terres titrées d’ancienneté immémoriale avec la suite de leurs possesseurs successifs, celle des terres érigées en dignité et celle des titres acquis par lettres souveraines. Nous avons aussi conservé sur nos listes aux personnes qui ont eu les honneurs de la Cour et aux officiers généraux, indépendamment des titres héréditaires dont les uns et les autres pouvaient être décorés, les titres personnels et viagers inscrits sur leurs lettres de pré-

  1. Ce procès-verbal existe aux archives d’Ille-et-Vilaine ; mais l’état nominatif des signataires n’y est pas joint. D’autres mémoires de la noblesse de Bretagne au Roi, imprimés en mai 1788 et janvier 1789, sont au contraire revêtus de 13 à 1400 adhésions par signatures ou par procuration.
  2. Ainsi Rois ou Empereurs ont pu ramasser dans la boue des financiers véreux et des proxénètes et dans le sang des conventionnels régicides pour en faire des princes, des ducs, des comtes ou des barons, tandis que Dieu lui-même, malgré sa toute puissance, ne peut créer spontanément un gentilhomme, puisque cette qualité ne peut s’acquérir que par une longue suite de générations nobles