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L’APPEL DE LA TERRE

Mais les soirs de ses dures journées d’enseignement, il s’en allait errer sur les grèves du fleuve ou sous les sapins des bois environnants ; là, on le voyait perdu en de longues songeries. Il n’était plus alors le maître d’école. Cependant, même en ces moments de solitude, de réflexion et de rève, Paul Duval ne se plaignait pas. Mais trop prolongée, cette espèce d’isolement moral dans lequel il prenait plaisir à se condamner, lui pesait parmi la bruyante gaité des paysans qui l’entouraient. Alors, il n’était pas toujours heureux ; il entretenait des pressentiments pour l’avenir.

Paul Duval était fils de cultivateur. Il était terrien par atavisme. Et ces rèveries persistantes, les yeux dans le vide, ces heures passées à regarder un paysan travailler dans son champ ou une scène quelconque de la vie agraire, ces promenades obstinées et si aimées, le long des champs de blé mûr ou d’avoine blondissante, n’était-ce pas autant de manifestations de la nostalgie de la terre ? Que ne pouvait-il donc alors aller joindre ses bras à ceux d’André, à ceux déjà affaiblis du père ? Que ne sacrifiait-il un stupide préjugé pour y retourner, à cette pauvre vieille terre amie et si délaissée par ceux qui ont cru, un jour, en perdre l’amour ?

Pauvre bonne terre canadienne, en certains endroits de notre province, elle n’a plus qu’à dormir au grand soleil du bon Dieu, tandis que les outils des champs se rouillent sous les appentis. Les bras manquent trop. L’église de certains villages devient trop