Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/45

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deux bras de plus pour la terre. À cette pensée, Jacques Duval se réjouissait dans son cœur : alors, le soleil, les arbres, le grain qui était tout jaune autour de lui, avaient une grande force persuasive qui entrait en lui librement… Il faisait bon vivre pour le vieux père Duval. Il se sentait solide, au seuil d’une verte vieillesse, et il cueillait sa joie sans encombrer son âme de prévisions chagrines. Quand, les matins de moisson, il s’en allait par les rectangles alternativement verts et jaunes de ses champs, il semblait, en effet, très heureux, le père Duval. Autour de lui, les grains dans l’or de leur maturité, bons à couper, se balançaient en houles ; le blé était mûr pour le pain futur, pour la force et l’activité de sa race ; la campagne embaumait la grasse verdure… Et le père Jacques se sent ingambe et fort, à cette heure matinale ; tantôt, il tire de larges bouffées de sa pipe courte, noire et juteuse ; tantôt il aspire le frais, le « salin des champs »… Il pense à ses deux fils, à Paul surtout qu’il voit maintenant tous les jours prendre part aux travaux de la moisson, à mesure que croît son amour pour Jeanne Thérien ; et il sourit, le Père Duval, et cent rides rayonnent de ses paupières, de ses lèvres, des ailes de son nez solide, et se croisent, au hasard, sur sa face parcheminée que les soleils d’été et les pluies de l’automne ont comme recuite.

De son côté, André, qui devinait les pensées du père et qui commençait à croire sérieusement au prochain retour de Paul à la terre, était content aussi ; il avait perdu de sa froideur pour Paul. Il ne serait