Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/68

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les plus fantastiques. Ces rives du Saguenay sont deux chaînes abruptes, tourmentées, arides, mais toujours d’une grandeur indicible, de pics dénudés, de crêtes nues, de caps effrayants plongeant perpenticulairement dans les abîmes sans fond de la rivière. Une pente douce garnie de forêts de sapins, d’épinettes et de bouleaux adoucira quelquefois la rudesse de ces décors sauvages ; mais pendant des lieues et des lieues, c’est la nature tourmentée, informe et titanesque. C’est d’une grandeur sans égale, c’est d’une sublime sauvagerie, à la longue fatigante, étouffante…

L’on fut presque content quand, un peu avant midi, on arriva en face des caps Trinité et Éternité.

« Oh ! que c’est grand ! » s’écria la jeune fille, en levant sa jolie tête vers les sommets du monstre de granit.

— C’est merveilleux ! compléta M. Davis.

— Ça manque à Montréal, un cap semblable, hasarda Gaston Vandry, en s’essuyant le front de son mouchoir.

— Rien que ça ? lui jeta la jeune fille ; vous n’êtes pas difficile, vous.

Paul fit débarquer ses voyageurs dans une petite anse au pied du Cap Trinité.

Le soleil arrivait à son zénith et l’ombre des deux caps coupait en deux la rivière. Un énorme silence pesait sur ce soin effrayant de la nature saguenayenne. L’instituteur plaçant ses deux mains en forme de cornet devant sa bouche, lança le cri mélancolique