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X


L’amour s’était soudainement allumé comme une pincée de poudre dans le cœur de Blanche Davis et son cas était d’autant plus sérieux que, toujours aux prises avec quelques viveurs montréalais, comme Gaston Vandry, avec quelques polkers frisés qu’elle abhorrait franchement, elle n’avait jamais sérieusement aimé. Ce qu’elle ressentait aujourd’hui était si différent de ce qu’elle avait toujours éprouvé, alors qu’elle s’empêtrait dans les pipeaux du flirt, qu’elle était bien sûre que c’était de l’amour qu’elle avait pour Paul Duval. Se trompait-elle ? Elle avait beau se traiter de folle, de romanesque ; elle avait beau se dire que son « futur mari » gagnait quatre cents piastres par année, qu’il était fils de paysan, qu’il portait des pantalons reprisés et des chemises de grosse toile « écrue », elle ne l’aimait pas moins. Folle, folle que je suis, ne cessait-elle pas de dire au cours des longues rêveries dans lesquelles elle se délectait maintenant.

Elle écrivait à une amie de Montréal à qui elle racontait son aventure.

« Tu sais que j’ai toujours été timbrée, un tantinet ; ai-je assez raison de me défier de mon cœur ? Où cela va-t-il me mener… mes imaginations extravagantes, mon cerveau fêlé, d’une fine fêlure par où,