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LA RIVIÈRE-À-MARS

sous son attisée de bûches. Dans un coin, l’engagé, qui n’osait pas se mettre en route pour l’Anse-à-Benjamin, dormait sur sa chaise.

Après avoir aspiré quelques larges bouffées de sa pipe, Alexis Picoté prenant, sembla-t-il, son courage à deux mains, continuant, d’une voix qu’il s’efforçait de rendre douce, l’expression de ses soucis, posa à son fils la question qui lui brûlait les lèvres depuis, pourrait-on dire, des années :

— Pierre, dis-le. C’est le temps ou jamais. Tu veux partir, hein ? Tu veux nous quitter ? Encore une fois, dis-le franchement. Ça vaudra mieux que ces manières de nous faire deviner, à nous, tes parents, ce que tu te gênes pas de dire aux autres, en arrière. Il me semble que ta mère et moi, nous avons le droit de savoir quelque chose là-dessus.

Le monotone tic-tac de l’horloge menaça de prendre possession de la pièce dans le silence qui suivit. Pierre, assis en face du poêle, les coudes sur les genoux, fixait les tisons incandescents qui crépitaient et qui lançaient des étincelles par les deux petites portes ouvertes du fourneau. Enfin, sans changer de position, il dit, comme s’il récitait une leçon :