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LE FRANÇAIS

troupeau pour mourir avec lui et je recommandai mon âme à Dieu. Je sentais le courant entraîner notre banquise je ne sais où… Tout à coup, il y eut un choc violent. Le banc de glace avait, sans doute, frappé la terre. Je me levai et cherchai de toute la puissance de mes yeux à percer l’obscurité. Ô bonheur ! la banquise avait heurté l’extrémité de la Pointe-de-la-Mission…

J’étais bien content, allez !… Nous avions tant besoin d’animaux et surtout de vaches, à la Mission. Avec le blé de la Baie et les vaches que j’amenais, nous étions assurés du pain et du lait. C’est la bonne et saine nourriture de ceux qui ne désirent pas plus…

« Mais c’est terrible, le feu, là-bas, c’est terrible !… s’exclama une voix de l’avant.

« … Vous savez que plus tard », continua le Frère Moffet, « les Oblats transportèrent la mission de la Pointe à la Baie où nous avons construit notre monastère. Ce fut la naissance de Ville-Marie. Le commencement de notre beau pays du Témiscamingue… Huit belles paroisses, à présent !… et de belles terres défrichées d’un bout à l’autre !…

« Non, mais, c’est effrayant !… cria une autre voix…

« …Des clochers se dressent partout dans la plaine », fit encore la voix vibrante de Mayakisis. « Qui eut dit cela, mon Dieu ! voilà cinquante ans quand, tout jeune, j’abattais, avec mes deux petits sauvages, les premiers pins de la Baie… Qui eut dit cela, hein, Morel, quand ton père, ton brave père, l’un des pre-