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LE FRANÇAIS

pense encore : lui aussi, que diable ! n’a pas dit son dernier mot dans cette affaire. Parce que sa fille, sous le coup d’une impression du moment, lui a exprimé un caprice, est-ce à dire que lui, le père, le chef, va bêtement baisser la tête et capituler, sacrifier ses ambitions et jeter sa terre à la tête d’un étranger ?…

Jean-Baptiste Morel paraissait content d’être arrivé à cette décision, par lui-même. En proie aux inquiétudes des caractères faibles, toujours en quête des voies pour fuir leurs résolutions, continuellement au tournant de leur éternelle indécision, il s’accrocha à cette conviction que l’attitude de sa fille n’était que le résultat d’un caprice, une chose secondaire à laquelle il ne valait vraiment pas la peine de s’arrêter, d’attacher de l’importance et dont il ne convenait tout au plus que de s’amuser en la racontant. Et il se sentit soudainement en veine de confidences. Il dit à André Duval l’entretien qu’il avait eu avec Marguerite au sujet de son mariage et il lui rapporta, presque en souriant, comme s’il se fut agi d’une pure plaisanterie, cette déclaration d’amour de sa fille pour le Français de même que son indifférence à l’égard de Jacques qu’elle tenait pour un traître à la terre, un homme voué au culte des villes, et il ne cacha pas l’humiliation, la déception, qu’il avait éprouvées à la seule pensée de donner sa fille à un étranger qui deviendrait plus tard, quand il serait parti, le maître de sa terre.

« Vois-tu », disait-il à André Duval, « j’ai idée que si ma fille épousait un gas des villes ou encore qui n’est pas de chez nous, je ferais de la peine à ma terre