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LE FRANÇAIS

et j’aurais peur de voir à tout bout de champ revenir le père et ma pauvre défunte femme pour me faire des reproches. Moi, j’ai des idées comme ça ; not’maison a une âme comme nous autres, mais elle peut mourir, cette âme-là, et c’est à nous autres de voir à ce qu’elle dure… J’ai consenti, tu sais, au sacrifice d’faire instruire ma fille au couvent, et malgré qu’on me l’ait reproché souvent, je le regrette pas, j’t’assure. On a du contentement à savoir ses enfants instruits quand on a pas eu la chance de l’être, nous autres… Si t’avais comme moi souvent entendu parler ma fille au sujet de c’que j’viens de te dire de l’âme de nos maisons, de nos terres ! C’qu’elle en a des idées, là-dessus, Marguerite ! Nous autres, nous sommes pas instruits et, tu sais, nous comprenons pas toujours ces belles paraboles ; nous avons de l’éducation juste assez pour tenir nos comptes et lire un peu dans les gazettes et dans nos livres de prières. Mais quand même, j’ai idée que j’ai compris ce que m’a expliqué Marguerite souventes fois par rapport à l’âme des maisons qu’on habite longtemps et qui nous viennent des vieux. J’sais comme ça que ma terre a une âme et que cette âme elle la gardera tant qu’elle sera cultivée par un de not’race, par un habitant comme nous autres. Qu’est-ce que tu dis de ça, toi, André ? »

— C’est sûr, c’est bien sûr, t’as raison, Jean-Baptiste, et j’pense comme toi, vas !…

À dire vrai, André Duval paraissait plutôt embarrassé devant cette théorie passablement abstraite qu’il venait d’entendre énoncer, non sans quelque sur-