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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/28

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LE FRANÇAIS

Cette après-midi d’août donc, comme son âme attendrie s’alanguissait en un besoin de consolation, il voulut s’épancher. Il regardait toujours, jusqu’à la fin de ses yeux, Marguerite, silencieuse et renfermée, besognant à son raccommodage de linge. Le père, devant sa fille, se sentait tout à coup gêné, petit, misérable, et le silence de la maison semblait l’impressionner davantage ; ce silence n’était troublé que par la pendule qui, dans la salle voisine, battait avec éclat son tic-tac monotone. Mais bientôt, Jean-Baptiste Morel, continuant haut, d’une voix qu’il s’efforçait de rendre douce, l’expression de ses soucis, demanda :

« Penses-tu quelquefois à ce que va devenir ma terre, Marguerite ?… Tu devrais bientôt me donner un remplaçant avant que je m’en aille, moi aussi, comme les autres qui sont sortis de la maison… »

Marguerite, interdite d’abord, arrêta le mouvement de ses bras, leva sa jolie tête et regarda son père avec douceur. Puis, l’aiguille marcha plus vite ; le bras droit de la couseuse, dans la clarté de la fenêtre, un instant, battit des mesures saccadées…

« Tu réponds pas, Marguerite ?… » repartit le père avec plus de douceur encore… « T’as un cavalier, je suppose… le garçon d’un bon habitant de chez nous. J’en serais bien content, vas !… Tu penses pas, des fois, à Jacques Duval ?… »

Et il sourit malicieusement, n’osant presque regarder la jeune fille.

« Jacques Duval ?… » dit enfin Marguerite. « Mais non, père, je n’y pense pas… jamais ! »