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LE FRANÇAIS

et bien pris ; croyez-moi, père, essayer de lui arracher cela de la tête, c’est peine inutile… Des fois, il fait mine de prendre du plaisir à nos travaux, mais il ne faut pas se laisser tromper !… Ce qu’il veut c’est sa part au plus vite et, si c’est possible, une autre terre… qu’il s’empresserait de vendre… Le voilà, votre Jacques !… »

Marguerite argumenta encore longtemps sur ce ton, tourna la question sur toutes ses faces. Elle se représenta aux yeux de son père mariée à Jacques Duval et obligée, plus tard, de s’en aller dans l’enfer d’une ville, de quitter la terre qu’elle verrait vendre… Non, cela, jamais !…

« M. Larivé, est toujours là, vous savez », fit-elle encore. « Il a les moyens d’attendre longtemps. Si vous ne voulez pas lui vendre votre terre, c’est Jacques qui la lui vendra, si jamais vos projets se réalisent… Et encore », continua la jeune fille, exagérant des gestes de mépris, « qu’est-ce que Jacques Duval peut bien être capable de faire sur un lot, je vous le demande ? Il est paresseux, lambin ; un traîne-la-patte du moment qu’il s’agit de travaux des champs… Ce n’est pas pour rien, allez, père, qu’il était le dernier à la corvée des foins, au mois de juillet. Et pourtant, il était le plus fort, le plus jeune, le plus vigoureux du groupe… Le vieux père Gauthier, qui a soixante-quinze ans, était en avant de lui. Ah ! oui… en voilà un homme de terre ! Non, père, quand on n’a pas le cœur à une chose, vous savez… »

Jean-Baptiste Morel était tout surpris du ton sou-