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LE « MEMBRE »

Patagonie en actions qu’il eût trouvé des souscripteurs.

Or, c’était les grandes lignes de l’une de ces dernières grandes entreprises issues de son fécond cerveau que le puissant financier était à soumettre, cet après-midi-là, à ses deux amis

Tantôt jouant avec un coupe-papier dont il se frappait les ongles à petits coups secs, tantôt agitant dans ses doigts un binocle en or qu’il portait de temps en temps à ses yeux, John C. Sharp expliquait aux deux jeunes gens, avec une aisance tout aristocratique, sa nouvelle combinaison qui était, du reste, comme nous l’allons voir, la plus simple du monde.

« Messieurs, disait-il, solennel, l’humanité est présentement en train de mourir de faim et pour peu que les prix des premières nécessités de la vie continuent de monter de la sorte, les pauvres gens n’auront plus qu’à s’en aller vivre en Afrique de cocos et de bananes. »

— Le fait est, interrompit Hall, que mon chauffeur me dit toujours : « Au prix où est le beurre, monsieur, il est sûr que nous n’irons pas loin… ou plutôt que nous irons, Dieu sait où !… »

— Mais il ne s’agit pas de beurre, reprit John C. Sharp, il s’agit précisément de la banane dont je viens de parler… Pourquoi, en effet, les pauvres gens ne vivraient-ils pas de bananes ? Pourquoi la banane ne sauverait-elle pas l’Humanité en train de mourir de faim ?…

D’après les analystes les plus distingués, la banane possède des qualités nutritives absolument hors ligne ; en outre, sa supériorité incontestable dans l’intensité