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le tour du saguenay

Jamais on ne peut rêver une nature aussi prodigieusement tourmentée, aussi pompeusement pittoresque, d’aspects aussi sauvages et quelquefois même aussi effrayants. Et l’on a peine à croire que des hommes aient pu penser, un jour, à tracer un chemin de fer à travers cette chaîne abrupte de caps effrayants, de rochers géants, de haies profondes et de collines dont les plus petites sont des montagnes. C’est une véritable orgie de pics et de rochers, de caps immenses dont les sommets pour la plupart se perdent dans les nues ; tout cela longe le fleuve, le surplombe plutôt.

Et c’est, pourtant, entre cette muraille de granit aussi élevée qu’accidentée, et le fleuve dont les vagues viennent lécher les pieds de ces géants de pierre, que l’on a accompli ce prodige de dérouler les lisses d’acier d’un chemin de fer. C’était de la témérité et cela a été accompli.

Les Montréalais et les Québécois qui vont quelquefois bien loin pour admirer quelques coins sauvages et pittoresques de la nature américaine, qui, pour cela, ne croient pas devoir faire autrement que de s’en aller dans les Rocheuses, songent-ils qu’à leurs portes, ils peuvent s’offrir, tous les jours, un spectacle qu’ils ne goûteraient pas même au plus profond des Alleghanys ou des Rocheuses ou en n’importe quel lieu de l’Amérique du Sud ?

Nous proclamons que le spectacle qui s’offre à nos yeux, durant les quelques quatre heures que prend le trajet de Québec à Murray Bay, est unique au monde.

Le spectacle commence dès que nous avons laissé les champs dorés et les villages verdoyants des côtes de Beaupré et au moment où, pour ainsi dire, notre train