Page:Potvin - Peter McLeod, 1937.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
Peter McLeod

rir, et qui élargissait encore, semblait-il, la solitude du paysage : cabane accablée par la désolation ambiante, que le jour éclaire dans toute sa pauvreté mesquine, que la nuit obnubile, mais dont l’image évoque quand même la vie humaine attachée au sol par ce fait qu’il détient les sources essentielles de l’existence…

On recevait souvent à Chicoutimi, la visite de ces pauvres gens qui avaient parcouru des lieues pour venir au magasin échanger contre des provisions et quelques objets indispensables à leur vie primitive, quelques grumes de pin qu’ils avaient coupées dans la forêt et qu’ils charroyaient dans la suite à la scierie avec les chevaux qu’on leur prêtait… On recevait aussi la visite de trappeurs, de coureurs de bois, d’indiens qui venaient troquer leurs fourrures. Et alors, la “concern” s’animait plus que de raison.

Le magasin, des soirs, devenait un amalgame sans pareil de gars bruyants, insouciants, brutaux, assoiffés, qui dépensaient sans compter en quelques heures le fruit de longs mois d’un travail éreintant et de courses déprimantes. Alors, des nuits presque entières, on entendait du magasin, dans tout le village, les sons cacophoniques d’accordéons criards et de musiques à bouche plaintives, de verres frappés les uns contre les autres ; des hurlements mélangés à des bribes rauques de chansons vulgaires, et le piétinement de lourdes bottes sur le plancher rugueux. On buvait sec et on blasphémait ferme. Après des whiskies et des whiskies répétés sans fin, on en venait aux provocations à propos de tout et à propos de rien : puis, souvent, aux coups. Parfois on en arrivait à de sanglantes querelles.