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pour que tu réussisses… Ton père sait-il ta résolution ?

— Non, mais il s’en doute.

— Je crois bien qu’il s’en doute ; à voir ta figure d’enterrement depuis quelques jours, on peut se douter de tout, s’écria la jeune fille redevenue presque joyeuse… Et ta mère ?

— Hier soir, reprit Paul, en prenant le souper, j’étais résolu à parler, à tout dire, et j’ai commencé par manifester mon mécontentement pour les labours d’automne, que nous commençons aujourd’hui même. Un silence lourd, pesant, a répondu seul à mes pédantes observations. Mon père m’a regardé longuement, tristement : ma mère est sortie immédiatement, et je sais bien qu’elle est allée pleurer dans sa chambre…

— Et toutes ces larmes, à la seule pensée que tu puisses partir, ne t’arrêteront pas !… Ah ! mais… voici le grand Pierre déjà, vite, Paul… Monsieur l’Américain, allez-vous, au moins avoir la galanterie de porter mes seaux ?

Il était temps, le grand Pierre, qui n’attendait pas même depuis une minute, s’impatientait déjà « Eh ! là, vous autres, les jeunesses, arrivez donc ! A-t-on jamais vu !… pendant que l’on se trémousse, que l’on peine et que l’on sue par tous les pores, les tourtereaux roucoulent et se content fleurette…