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de avivait davantage sa souffrance. Le soir, il y pensait avant de s’endormir, et il maudissait sa destinée ingrate, humiliée et obscure. Mais il se reprenait aussitôt ; il ne faisait que d’arriver, et déjà découragé ! Ah ! bien non ; dès demain il trouverait de l’ouvrage et il serait heureux. La vie, il est vrai, est un combat qui a ses défaites, mais, que diable ! on ne perd pas toutes les batailles. Alors, il s’endormait en ouvrant son cœur tout grand aux promesses de l’avenir…

Le lendemain arrivait, mais sans plus de changement. La fortune, le travail même pour y parvenir ne venaient pas.

Les places étaient toutes prises, la main-d’œuvre était suffisante partout et des centaines d’hommes, aussi, attendaient un vide, une place vacante ; tous passeraient avant lui.

On lui avait bien offert, en arrivant, et souvent dans la suite, une place de manœuvre quelconque avec un maigre salaire ; il aurait dû accepter, mais sa vanité insensée s’y répugnait, et puis, il avait peur qu’une fois dans ces modestes fonctions une autre place qu’il enviait échut à un autre ; et il attendait. Mais en attendant, il fallait vivre, il fallait manger, payer le loyer de la chambre et, à mesure que le temps, inexorable, fuyait à tire d’aile, son gousset, son pauvre gousset, rempli par son père avant son départ, diminuait d’une façon