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tait jamais présentée à son esprit, comme il arrive à ceux qui n’ont pas vu la mort frapper tout près d’eux… Et dans ce cercle des pures affections familiales veillant de loin sur lui, apparaissait la douce figure de Jeanne… L’aimait-elle comme autrefois, sa Jeanne ?… Oh ! oui, il n’en doutait pas ; elle l’aimait encore, bien fort ! Quand donc la reverrait-il ?

Alors, il s’épouvantait de la grande distance qui le séparait de ces êtres aimés. Il sentait l’angoisse d’être si peu de chose, d’être sans argent, eh bien, oui, sans argent pour revenir au pays…

Paul travaillait le jour, en face de la belle rade de New-York. Le spectacle était souvent pittoresque et bien propre, quelquefois, à chasser les papillons noirs autour de cerveaux malades. Durant les quelques minutes de loisir que lui laissait son travail et aussi, le soir, quand il revenait flâner sur les lieux où il avait peiné tout le jour, Paul s’amusait à ces spectacles mouvants, à voir partir et arriver les navires…

On n’a jamais suffisamment expliqué l’attrait irrésistible qu’exerce sur les âmes compliquées comme sur les simples, l’arrivée ou le départ des navires petits ou grands ; pas plus que l’on a expliqué ce besoin de crier, dans les mêmes circonstances, comme, d’ailleurs, dans n’importe quelle manifestation. Il