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quitté leur village pour venir tenter fortune dans les villes et qui n’ont pas pu trouver mieux, en arrivant, que de s’embaucher portefaix : recrues de l’armée de la misère. Ils offrent ce qu’ils ont, leurs bras ; ils battent le pavé de la ville depuis des semaines, le ventre creux ; il faut bien qu’ils mangent. Et ils échouent là, brisés, abattus ; mauvais entraînement pour un métier où il faut soulever des fardeaux de centaines de livres, les placer sur sa nuque, et courir sur la passerelle en planches qui relie le bateau au quai… Un jour, un jeune homme tente cet exercice, il s’évanouit ; on le relève et il raconte son histoire. C’est un pauvre petit paysan de la campagne qui est venu « s’enrichir » à la ville. Toutes les portes se sont fermées pour lui partout où il aurait voulu entrer ; et il est venu là, sur les quais, parce qu’il a entendu dire qu’on y a toujours besoin de travailleurs et qu’il ne pouvait pas trouver d’autre chose à faire pour payer le loyer de la chambre où il couche et les repas qu’il prend de temps en temps.

En vérité les mancherons de la charrue qu’il conduisait dans les champs du père étaient moins difficiles à manier que ce pesant panier à charbon ; et le broc au bout duquel se balançaient quelques gerbes d’épis dorés ou une botte de foin fleurant le trèfle, était moins lourd que ce ballot qui semble refer-