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PREMIER VALET

Comme il est sombre !

(Ils sortent.)
LE TSAR, (qui entre)

J’ai atteint le pouvoir suprême ; depuis six ans je règne dans la paix, mais le bonheur me fuit. En nos jeunes années, nous sommes assoiffés des ardents plaisirs de l’amour ; mais quand, après une brève possession, le désir de notre cœur se trouve assouvi, la lassitude vient et puis l’indifférence. En vain, les sorciers me prédisent d’heureuses et longues années de règne sans nuages ; ni la vie, ni le pouvoir ne me donnent le bonheur ; j’ai le pressentiment de la colère divine, j’ignore la joie.

J’ai voulu combler mes sujets de gloire et de richesse, et gagner leurs cœurs par mes royales largesses, j’ai dû abandonner cet inutile effort : car tout pouvoir vivant est odieux au peuple qui garde son affection pour les tsars défunts ; nous sommes des fous de nous laisser émouvoir par les plaintes et les colères de nos sujets en peine.

Le Ciel nous envoya des jours de grande famine ; le peuple gémissait, mourant de faim ;